1ère formation :   De la Pentecôte à l’édit de Constantin (313)

Introduction

Toutes les religions traditionnelles, sans exception, sont construites selon le schéma mythique qui veut qu’il y ait un âge d’or à l’origine décrit par le mythe que la religion permet justement de réintégrer par le rite. Ce type de religion exclu l’idée même d’histoire.  Ce qui est demandé au croyant c’est de revenir aux origines généralement symbolisées par un lieu sacré et un temps primordial. Le Christianisme a toujours aussi été tenté par ce retour aux origines pourtant de nombreux textes de la Bible font de la Foi biblique tout autre chose : une histoire. J’en citerai deux. Un au début de l’AT, l’autre à l’aube de l’histoire de l’Eglise : 

« C’est ainsi qu’il chassa Adam; et il mit à l’orient du jardin d’Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie ». Le retour en arrière vers l’arbre de vie n’est pas possible. Il faut partir  vers ailleurs et vers demain, c’est à dire qu’il faut construire une histoire. 

« Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ». Alors que toute religion normalement constituée aurait dû sacraliser le tombeau vide et la ville de Jérusalem en tentant de s’en éloigner le moins possible, le ressuscité envoie ses disciples au loin, sur les routes du monde et de l’histoire.

Du coup, très rapidement, l’Eglise comprendra qu’il n’y a aucune perfection dans les origines qu’il faudrait reproduire, mais qu’avec l’aide du Saint Esprit, il y a une histoire à construire. Bien sûr, de temps à autres, mais de manière marginale, elle cèdera à la tentation et s’imaginera que si aujourd’hui tout n’est pas rose, c’est qu’il faut revenir aux origines. Mais en général, elle n’oublie pas que le Royaume de Dieu est devant, qu’il nous est décrit comme une ville, la Nouvelle Jérusalem, à la fois œuvre de l’homme et œuvre de Dieu, et non comme le retour au jardin primordial. D’ailleurs les premiers chrétiens l’avaient bien compris. Ils n’ont pas hésité à commencer cette histoire. Si vous regardez l’Église du 2e siècle, elle était déjà très différente de l’Église primitive. Déjà à cette époque, l’Église avait  un culte codifié, une confession de foi, une théologie, une hiérarchie…

Dès le premier siècle, ceux qu’on appelle très rapidement « les chrétiens » s’organisent en communautés. Dès le 2e siècle, ils constituent une « Grande Eglise », celle dont on raconte l’histoire lorsqu’on parle d’Histoire de l’Église. Mais il ne faudrait pas oublier que dès le début, il y a eu d’autres communautés  qui, tout en se réclamant de Jésus adhèrent à des doctrines différentes. Ce sont certainement certaines de ces communautés qui rejoindront Mohamed au 7e Siècle pour donner l’Islam. C’est face à ces communautés que la Grande Eglise va définir un canon des Ecritures et un certain nombre de dogmes comme celui des deux natures du Christ ou de la Trinité qui, au passage, n’existent pas en tant que tels dans l’Ecriture. Ceux qui remettront en cause le canon ou les dogmes en questions seront qualifiés d’hérétiques.  Tous ces courants reconnaissent Jésus comme leur fondateur. Essayons donc de voir comment les choses se sont passées…

Les débuts : la communauté de Jérusalem.

Les protestants connaissent généralement assez bien le début du livre des Actes et font de lui le récit de la création de l’Église, souvent d’ailleurs très idéalisé car on oublie volontiers que l’expérience de la première communauté de Jérusalem s’est soldée par des échecs : histoire d’Ananias et saphira, puis surtout faillite du système communautaire mis en place…. Mais, en fait, que savons nous de cette communauté sur le plan historique ? Pas grand-chose….  C’est pour cela qu’il existe de nombreuses hypothèses la concernant. 

Nous n’avons aucun document venant de cette communauté. Aucun auteur raomain ou juif n’en parle. Tous les renseignements que nous avons ont été produits plus tard par des chrétiens appartenant à d’autres communautés…. Bien sûr, nous avons le livre des actes, mais il s’agit d’un discours théologique visant à édifier les fidèles plus qu’une histoire de l’Église. C’est pour cela qu’il est  difficile d’harmoniser les Actes avec les lettres de Paul, par exemple. 

L’autre source d’informations que nous avons est l’histoire ecclésiastique d’Eusèbe datée du IVe siècle, c’est à dire de 300 ans après les faits. Il s’agit de l’histoire  racontée dans les Actes mais avec quelques détails supplémentaires. 

Ces textes nous présentent une  communauté fondée par Pierre, mais rapidement passée sous l’autorité de Jacques.  On ne sait pas pourquoi Pierre est parti, ni trop qui était Jacques, mais on sait qu’entre 41 et 44 il a pris le relais ! Il est très étonnant qu’aucun historien de l’époque n’en parle… Vous me direz qu’il y a Josèphe qui raconte la mise à mort de Jacques, mais ce qui est étonnant, c’est qu’il ne dit rien de la communauté que selon les actes il dirigeait.

Au début, on n’appelait pas les disciples de Jésus  « chrétiens », mais « nazoréens »  ce qui tendrait à conforter l’hypothèse selon laquelle ils se voyaient eux-mêmes comme une tendance du judaïsme qui avait choisi d’emprunter une nouvelle voie plutôt que comme une nouvelle religion.

Pourquoi aucun auteur de l’époque n’avait remarqué cette communauté nouvelle ?? Plusieurs raisons certainement complémentaires sont avancées : 

– le faible nombre des chrétiens faisait d’eux un petit mouvement du judaïsme parmi beaucoup d’autres qui passait donc inaperçu ;

– il s’agissait d’un mouvement perçu comme un groupe de juifs pieux respectant la loi et les rituels de moïse. Ils priaient comme les autres, pratiquaient certainement les sacrifices (rien ne nous dit qu’ils ne le faisaient pas dans le NT).

Ce qui les distinguait était des réunions supplémentaires au cours desquelles ils évoquaient la mémoire de Jésus dont ils attendaient le retour.

Parallèlement, le livre des Actes nous parle du mouvement des hélllénistes (actes 7), certainement des juifs héllénisés. Après le martyr d’Etienne, ils sont les premiers  à aller s’installer ailleurs et à fonder d’autres communautés. Mais il reste une question importante : pourquoi, les héllénistes doivent-ils fuir Jérusalem alors que les autres, Pierre, Jacques et leurs disciples, eux, semblent n’y avoir aucun problème ? On pense  généralement qu’il y avait déjà une fracture chez ces premiers disciples de Jésus entre ceux qui voulaient continuer à se positionner comme des juifs pieux et réformer le judaïsme de l’intérieur et ceux qui voyaient là la possibilité de rejeter certaines pratiques et institutions juives très lourdes pour eux. Du coup, on voit que certains continuent à prier selon les rites juifs alors que les autres prennent beaucoup plus de liberté par rapport à ces pratiques. Cette rupture s’accentuera à partir de l’an 44, moment où les deux groupes se séparent clairement et où Pierre quitte la ville.

Que sont devenues ces communautés juives diciples de Jésus ? Selon Eusèbe, après s’être enfuis en Jordanie, ils seraient revenus à Jérusalem où ils seraient restés jusqu’en 135, date de la 2e révolte des juifs qui entrainera la destruction totale de Jérusalem par les romains. Trois groupes  se posent en héritiers de l’Église de Jérusalem  :

  1. Les nazoréens

Exclus du judaïsme vers la fin du 1er diècle, on les retrouve encore jusqu’au 4e et 5e siècle. Ils resteront fidèles à la Torah tout en admettant la nature divine de Jésus. Ils se basent sur l’évangile aux hébreux que nous n’avons plus aujourd’hui car il est perdu, mais que nous connaissons un peu par les citations qu’en font Origène et Jérôme. On pense généralement qu’ils se sont ensuite fondu dans les autres courants du Christianisme.

  1. Les ébionites

Nous n’avons aucun document venant d’eux . Nous ne les connaissons que par ce qu’en disent les autres. Pour eux, Jésus est un homme issue de l’union entre Joseph et Marie. Et c’est parce qu’il a totalement respecté la loi que Dieu en a fait son Messie et l’a adopté comme son Fils. Il semblerait que l’on retrouve cette vision des choses dans le début du livre des Actes, dont le discours de Pierre en Actes 2 dans lequel il est dit que Dieu « l’a fait Seigneur et Christ ». Ils n’admettait donc  pas la préexistence du Christ qui deviendra ensuite la doctrine de l’Église.  Ils utilisaient une version de l’Evangile de Matthieu amputée de de la naissance miraculeuse avec quelques autres différences ainsi qu’un « évangile des ébionites » (dont nous n’avons que  des extraits dans des citations d’épiphane). Ils suivaient la loi de Moïse à l’exception des sacrifices, celui de Jésus les rendant inutiles. Certains voient en eux les précurseurs de l’Islam. 

  1. les elkasaïtes

Moins connus, ils se sont développés dans l’actuel Iran. Eux aussi gardaient  la Torah et considéraient Jésus comme le dernier des prophètes. Ils se sont certainement dissouds dans l’Islam avec lequel ils ont beaucoup de similitudes.  D’ailleurs, il est tout à fait possible que les elkasaïtes et les ébionnites aient été présents en arabie et aient servi de base au développement de l’Islam.  L’évangile de Barnabé  qui n’a été exclu du canon du Nouveau testament qu’au VIe siècle et qui a certainement inspiré le Coran était  reconnu par ces mouvements. A noter que cet évangile contient des attaques très directes contre Paul considéré comme un faux prophète alors que la circoncision y est déclarée nécessaire. Tout cela montre la distance qui séparaient ces différents courants. 

Il semblerait bien, de toutes façons, que l’Islam se soit enraciné dans ces communautés, même s’il a d’autres sources. 

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